DE L’AFFAIRE SICOTTE À L’INTRANSIGEANCE DES PROFESSEURS
Il est à noter que l’usage du masculin est employé pour alléger le texte.
Dans un premier temps, je déplore le fait que depuis toutes ces années, la direction n’est pas pu passer à l’action. Un directeur, habituellement, a le devoir de rester alerte aux « débordements » de certains professeurs et surtout d’aider les étudiants qui vivent un conflit ou une violence psychologique. Ils n’ont rien vu, entendu ? Difficile à croire.
Pour avoir étudié dans deux écoles, St-Hyacinthe(comédien) et le Conservatoire(metteur en scène), des débordements, j’en ai vécu. À titre d’exemple, on nous avait demandé de nous déshabiller (complètement nu) dans un cours d’impro, pendant que le professeur se rinçait les yeux. Nous en avions parlé au directeur, le professeur a été rencontré… mais sans plus. On m’a aussi proposé de grossir, de prendre des stéroïdes pour devenir plus « viril », sans quoi j’aurai des difficultés à faire le métier… Aujourd’hui, tout ça m’a été très utile pour affronter la réalité du milieu. Je suis un gars résilient faut croire.
Tout cela est survenu dans le début des années 90. Nous sommes en 2017. Le théâtre évolue, change, comme la société… les méthodes doivent s’adapter. On est plus au temps de Stanislavski, Jouvet et cie. Il y a aussi certains professionnels qui sont exigeants; Filiatrault, Denoncourt et cie… mais là, on a le choix de travailler avec eux ou pas. Dans une école… y’a pas de choix possibles.
Qu’on ne vienne pas me dire que la seule façon de « débloquer » un comédien est de l’humilier devant une classe. On se doit de faire preuve d’empathie, de discernement, de respect et d’écoute. Il faut pouvoir lui donner des outils concrets, le conscientiser aux exigences du métier qui demandent rigueur et discipline. Ça n’empêche pas d’être stricte, mais toujours dans le respect. Et si « emportement » il y a… on s’excuse. La ligne est parfois mince. La « pédagogie » n’est pas donné à tous. Par contre, il arrive aussi qu’un étudiant ne travaille pas, manque de discipline, attend la recette magique, juge le professeur et sa méthode, n’apprend pas son texte, contredit, argumente etc… Dans ce temps-là, j’avoue que je peux parfois péter-ma-coche-sur-un-temps-rare. Des étudiants qui mettent le blâme sur le professeur parce qu’ils ne sont pas capables de remplir les exigences du métier, d’un rôle, ça arrive et faut aussi savoir le discerner. C’est du cas par cas. Je suis considéré comme un coach et professeur « intense », émotif, mais jamais déplacé. La violence psychologique, le mépris, l’abus de pouvoir, l’humiliation, peuvent parfois avoir des conséquences graves sur le parcours d’un apprenti comédien. Faut rester vigilant. Je sais aussi, comme prof, que je ne peux pas être aimé de tous. Ça fait partie de la « game ». Je l’accepte.
Gilbert Sicotte est l’un de nos grands comédiens. Un professeur émérite aussi et ce malgré les allégations portées contre lui. Je ne banalise pas les plaintes faites, mais je crois que la façon qu’on nous a présenté ce dossier dans les médias est démesuré. On nous dépeint Sicotte comme un criminel. Probablement à cause des derniers événements. Le journaliste avait un ton grave et des questions ridicules : « Vous avez crié au point de sacrer ? » Vraiment ? Je crois que cette situation aurait pu se régler à l’interne depuis longtemps, sans que ça devienne une condamnation publique. Mais force est de constater que les choses vont bouger plus vite de cette façon. Il est temps que les directeurs d’écoles prennent leur responsabilité et qu’un resserrement puisse se faire auprès de certains professeurs. Dans chaque institution, il y a un mouton noir (étudiant et professeur), mais ça ne devrait pas. Des auditions sont faites parmi un nombre impressionnant de candidats… assumez vos choix ! Le respect, l’altruisme, la bienveillance, doivent faire partie d’une pédagogie digne de nos artistes de demain.
Les temps changent et j’en suis bien heureux.